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Chronique 27 - L'équation politique impossible à résoudre : Les trois paramètres de l’engagement en politique. Balkany, Ferrand, Fillon, Sarkozy, Cahuzac, Urba, Mery, HLM de Paris…

Pourquoi les affaires politico-financières se succèdent et en quoi se ressemblent-elles ?  En démocratie, l’équation de la vie politique est facile à poser, mais reste quasiment impossible à résoudre : Faire de la politique coûte cher, ne rapporte pas, et prend 100% du temps. Alors… ?

1. La vie politique est un engagement à temps très plein 

La politique est un sacerdoce : il faut y consacrer tout son temps et toute son énergie. Découvrir des sujets de société enchevêtrés et tous plus complexes les uns que les autres, gérer le lien avec le partie, multiplier les contacts avec les experts, les citoyens, les organisations sociales, associatives : le travail est sans fin ! Tout l’agenda est rempli, toute la semaine, y compris les samedis et les dimanches, toute l’année, toute la vie. Pour réussir une carrière politique, il faut tout lui donner. Ne pas tout y consacrer revient à perdre les élections et donc à s’en trouver écarté. La condition sine qua non de l’engagement politique est de se dégager de tout autre engagement sérieux. Un choix en demi-teinte ne peut qu’amener l’échec. C’est un projet de vie. Sans concession. Au-delà de l’éthique qui oblige à se placer dans l’axe de l’intérêt général, ce qui suppose d’être dégagé de tout intérêt particulier, il faut donc renoncer à tout autre contrat professionnel et démissionner de ses fonctions pour des raisons pratiques de manque de temps.

2. La vie politique coûte cher

Outre une ambition personnelle, voire – on l’espère – une vocation, l’action politique suppose des moyens économiques. Pour faire campagne, il faut une équipe qui sache coordonner des organisateurs d’événements, des conseillers en communication, des travaux d’expertise. Au-delà du maintien de ressources durables nécessaires à la vie quotidienne, tout ceci coûte cher. Il faut d’autant plus investir que l’on débute car le candidat fait alors face à des acteurs installés et connus. Ses handicaps sont à la fois un déficit de notoriété, un manque de connaissance des dossiers, un tissu relationnel restreint… et des candidats sortant qui bénéficient de la rémunération et de la logistique de l’appareil public au sein duquel ils bénéficient d’un bureau, d’une équipe et de la prise en charge de leurs frais de fonctionnement.

3. La vie politique ne rapporte pas

Franchir les étapes de l’investiture et intervenir sur tous les fronts pendant la campagne sont autant de critères qui sélectionnent des personnalités aux compétences variées. Satisfaire à l’exigence du processus électoral nécessite de solides épaules. Ainsi, les profils qui réussissent en politique pourraient souvent occuper des postes à responsabilité dans l’entreprise. Or, à talents et potentiels égaux, les rémunérations des élus sont en-deçà de celles des salariés du public et plus encore du privé, sans parler de celle des entrepreneurs à succès. Une carrière politique ne permet donc pas de s’enrichir et moins encore de capitaliser pour soi ni pour ses futures campagnes électorales.

Comment résoudre cette simple équation à trois inconnues ?

L’enjeu de la vie démocratique est le financement d’un investissement élevé qui ne rapporte pas et prend cent pour cent du temps. Quatre chemins sont possibles.

1. Fortune personnelle

Bénéficier d’une fortune personnelle est le travail d’une vie (Trump, Dubrule, Pellisson) à moins qu’elle soit héritée par filiation (Taittinger, Dassault) ou par mariage (Valls). Mais pour l’essentiel, cette solution relève du hasard et n’est pas donc modélisable.

2. Adhérer à un parti

Adhérer à un parti est la solution simple : les frais de campagne sont alors pris en charge par l’appareil via les financements publics ou privés collectés au niveau national. Cependant, entrer dans un appareil politique ne suffit pas pour s’en faire entendre : tout comme dans l’entreprise, le syndicat ou l’association, les jeux de pouvoirs perturbent la construction des diagnostics et des projets. Ainsi, l’adhésion au parti embarque l’adhésion  à ses orientations politiques, toujours arrêtées par ses chefs. Hors, en l’absence de débats internes, le candidat / élu n’a que peu de possibilités de faire entendre et triompher ses informations et idées : il prend ainsi le risque de se déconnecter des raisons profondes qui l’ont fait s’engager à l’origine. En conséquence, pour les candidats vraiment porteurs d’une vision du présent, du passé et de l’avenir, l’adhésion à un parti repose sur deux conditions sine qua non : le partage d’un corpus intellectuel et une méthode pour le conjuguer sur tous les sujets de société et l’actualiser en continu. Or, de telles organisations sont bien rares… !

3. Créer un parti

Parmi ceux qui n’obtiennent pas la place qu’ils souhaitent au sein d’un parti existant, les plus ambitieux et astucieux ont la possibilité de créer leur propre parti politique. Encore faut-il que les circonstances s’y prêtent. Sur le plan tactique, leur positionnement idéologique ne doit pas recouper celui d’acteurs déjà en place ; sur le plan relationnel, leur entregent doit être développé au point de pouvoir lancer une dynamique de rassemblement d’acteurs en situation de gagner les élections dans leur territoire, voire d’en avoir déjà gagné. Mais une troisième dimension est la clé : l’habileté à réunir les financements pour lancer et entretenir un mouvement national en lien avec un réseau multi territorial. Ceci, alors que le financement des partis politiques est encadré : les personnes physiques et morales ne peuvent verser une somme de plus de 5000 Euros par an. Convaincre des milliardaires suppose donc de les convaincre non pas seulement de verser leur obole, mais plutôt et surtout d’ouvrir et de convaincre eux-mêmes leurs réseaux d’amis susceptibles de verser aussi. Ceci, sans contrepartie aucune… !!

4. Tricher

Pour approcher du sommet d’un parti existant ou nouveau, une dernière solution s’offre aux élus sans héritage ou heureux mariage : exiger une commission sur les droits consentis à des acteurs privés (Levallois) ou les commandes publiques qui leur sont passées (Urba, lycées d’Ile de France), piocher dans les ressources publiques directement (emplois fictifs de la Mairie de Paris) ou indirectement (rétro commissions au Pakistan ou Taïwan), ou encore vendre un engagement de défense d’intérêts particuliers, y compris étrangers (Kadhafi).

Bien sûr, parmi ces affaires, certains conservent une partie des flux financiers dans leurs comptes bancaires Suisses. Mais le plus souvent, l’enrichissement personnel est minime. Les juges font la différence. Néanmoins, dans tous les cas, reste entier le problème immense de l’égalité des chances des différents porteurs d’idées dans le débat. Si l’on veut créer les conditions de la recherche et de la victoire de l’intérêt général, le système politique doit être repensé pour réarticuler ses quatre dimensions interdépendantes : le financement public, le financement privé, le mode de scrutin et le fonctionnement interne des partis politiques. Voilà la mère de toute transformation profonde de la société. Il n’y aura pas de réformes sereines importantes tant celle-ci n’aura pas été réalisée.

 

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Chronique La Tribune du 19/09/19

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